22/05/2016
par Molly Li

L'Histoire du Sarouel

Sarouel Origine

  1. L’origine du sarouel remonterait au IIIe siècle de notre ère
  2. Retrouvé sur la momie de « l'homme de Yingpan »
  3. Datée de l'époque de la dynastie chinoise des Han Postérieurs
  4. Porté par les cavaliers cheminant sur la Route de la Soie reliant la Chine à l’Asie Mineure
  5. Il gravit l’Himalaya, passe par le Népal et arrive jusqu'aux Indes
  6. Il atteint la Perse où le sarouel trouve son origine proche orientale
  7. Il se répand de l'Anatolie aux berges du Nil où il y reçoit son nom de baptême « Sarouel »
  8. Adopté par les notables de la péninsule Arabique qui lui donnent ses premières lettres de noblesses
  9. Il traverse ensuite le Sahara où il gagne de nouveaux adeptes dans toute l’Afrique du Nord

Il était une fois l'histoire du sarouel, pantalon bouffant resserré aux chevilles, confortable et bien pensé pour le quotidien, unisexe, facile à associer à tous les styles de haut, ce vêtement ethnique serait né il y a quelques milliers d'années entre la Perse et les plaines asiatiques…

La Pré-histoire du Sarouel

Selon des vestiges retrouvés au XIXe et XXe siècle, les origines du sarouel remonteraient au IIIe siècle de notre ère, à l'époque de la dynastie chinoise des Han Postérieurs. La plus belle des représentations de ce « grand-père du sarouel » est certainement celle de la momie découverte à Shanghaï en 1998, connue sous le nom de « l'homme de Yingpan ». Le pantalon était en tissu de laine et arborait des figures géométriques simples.

Caravane sur la Route de la Soie

Les marchands nomades accompagnés à leur suite de la longue procession de leur caravane chargée de leurs malles remplies de soierie, de jade et de porcelaine, parcouraient la steppe orientale de la Chine jusqu’à l’Asie Mineure, pour y vendre leur précieuse cargaison. Leurs bas étaient constitués de jambières rattachées par des lanières peu pratiques et surtout difficiles à supporter à cause des frottements. Pour que les cavaliers puissent jouir d'une plus grande liberté de mouvements, les nomades eurent l'idée d'éliminer toute résistance au niveau de l'entrejambe en cousant ces deux larges pièces de tissus ensemble. Le concept, attractif et original, séduisit immédiatement les peuples raffinés d'Orient et de la région Mésopotamienne.

L’âge d’Or du Sarouel

Sarouel Aladin

Le développement des voies de communication pousse la mode du sarouel jusqu’aux côtes de l’Est méditerranéen, arrosant une zone allant des Monts de l’Anatolie aux berges du Nil, où l’on retrouve des traces de ce pantalon alors coloré et graphique. Sa propagation se fait ensuite en direction du sud, en suivant les berges de la Mer Rouge, pour arriver jusque dans la péninsule Arabique.

Nous sommes au moment de l'époque des Sassanides qui régnèrent sur la région jusqu'au VIIe siècle. Adopté par tout le peuple, le sarouel séduit aussi la haute noblesse de cette société raffinée, et fait une entrée remarquée dans les plus beaux palais orientaux. Il y devient rapidement un symbole d'élégance et de savoir-vivre, tel que l'on peut le lire dans les Contes des Mille et une Nuits, avec leurs héros habillés de la sorte, tels que Aladin ou Ali Baba.

Pour la première fois depuis sa création, le sarouel est adopté par les plus hauts dignitaires d’un pays. Placé sous de si bons augures, ce pantalon acquiers réputation et honneurs dans toute la péninsule et reçoit son nom officiel « Sarouel » ce qui lui fait prendre une autre dimension. Commence alors son âge d’or

Les plus beaux modèles étaient réservés aux monarques, ornés de médaillons représentant des scènes de la vie quotidienne et des animaux sacrés. Ces pièces uniques, bouffantes et confortables, car élaborés dans une matière souple orientale, étaient alors fabriqués en utilisant différentes techniques venues d’Égypte ou d'Iran, comme le montrent les momies retrouvées à Antinoé au début du XXe siècle.

Sarouel Aladin

Puis il arrive en Afrique du Nord où les Bédouins du Sahara se l'approprient, se passionnant pour sa coupe ample et ses bas de jambes resserrés au niveau des chevilles, parfaits pour se protéger des piqûres de scorpions et autres arachnides. Ainsi, la reine berbère Kahena l'aurait adopté au VIIe siècle à la suite de son peuple, et l'aurait imposé à son armée. Résolument pratique, cette pièce vestimentaire maîtresse conçue pour aider à résister aux fortes chaleurs, était généralement taillée dans du coton.

C'est à cette période que les femmes subsahariennes commencent à le découvrir, apporté dans les bagages des caravanes de méharis qui traversent le Sahara à dos de dromadaire, pérégrinant d’oasis en oasis, d’Est en Ouest, du Nord au Sud. Les rares femmes présentes dans ces îlots de fraîcheur perdus dans cet océan de sable, enrichissent leur sarouel de détails et de petits accessoires introuvables ailleurs, où chaque être vivant doit sa survie à ce minuscule point d’eau perdu au milieu de nulle part, telle une goutte d’encre fiévreusement calligraphiée tout en pleins et en déliés, en un message d’espoir réfugié au fond d’une bouteille vide, chahutée dans un océan en furie, l’oasis est pour le piéton intrépide voguant de dune en dune dans ces flots de sable et de roche brûlants, un véritable paradis terrestre, piqué au cœur même de l’enfer. Pour ce rescapé chanceux sortant de cet enfer, c’est le refuge ultime de la vie, source inépuisable de joie et de délices suprême.

L’oasis est pour le piéton intrépide voguant de dune en dune dans ces flots de sable et de roche brûlants, un véritable paradis terrestre, piqué au cœur même de l’enfer. Pour ce rescapé chanceux sortant de cet enfer, c’est le refuge ultime de la vie, source inépuisable de joie et de délices suprême.

Le Sarouel au Tibet

Au même moment, la mode du sarouel se répand de chaque côté de la Route de la Soie sur sa partie asiatique, et étend son influence sur le sud de la Sibérie, le nord des contreforts de l’Himalaya, et les vastes steppes d’Asie Centrale. Le sarouel est à cette période recouvert d'une sorte de collant en toile pour isoler du froid mais aussi de la chaleur. La « gashnika », une petite bourse resserrée par une lanière en cuir, est rattachée à la ceinture.

Formés dès le plus jeune âge à la monte à cru, les cavaliers tatares devaient se sentir à l'aise pour réaliser les plus belles figures de voltige, préserver leur équilibre et exercer leur agilité. Le sarouel, ample aux motifs ethniques, fait encore partie aujourd'hui du costume traditionnel de l'Asie Mineure.

En altitude, sur les hauts plateaux Himalayen, au Tibet, dans la province du Bhoutan, au Népal, le sarouel est en laine, en toile très épaisse et même taillé dans le cuir brut des yaks de leur troupeaux. Il se porte pour donner de l'ampleur aux mouvements lors des démonstrations de danses traditionnelles. Il est aussi essentiel pour se préserver du froid et résister aux vents glacés de la période hivernale.

Le Sarouel dans la Majestueuse Inde

Sarouel Inde

De ces hauts sommets, le sarouel redescend par le versant sud de l’Himalaya pour arriver aux marches du sous-continent Indien, appelé alors Inde cisgangétique, regroupant non seulement le Népal et le Bhoutan mais aussi le Pakistan, le Bangladesh, le Sri Lanka et l'immense Inde. La divine Vallée du Gange lui apporte des influences culturelles majeures, qui, aujourd’hui encore, rayonnent sur son aura.

En fait, le sarouel trouve sur ce gigantesque territoire alors peuplé comme nulle part ailleurs, des milliers d’artisans dépositaires d’un savoir unique, de rites millénaire et des étoffes de premier choix, comme le cachemire, le pashmina, et la soie venue de Chine, auxquelles chaque culture composant ce creuset multi-culturel adjoint à ce vêtement flottant des métaux précieux (or, argent, etc...) des matériaux raffinés (perles naturelles, sequins, minuscules clochettes, etc...) pour confectionner des habits luxueux, flamboyants à la lumière ou pour honorer les divinités locales.

Le sarouel prouve en Inde qu’il est le pantalon universel porté par les membres de toutes les castes et de toutes les religions, trait d’union harmonieux des nombreux peuples prospérant sur ces terres multiséculaires.

Il donnera naissance ici aussi, un peu plus tard, au jodhpur, fils spirituel du sarouel, pantalon large au niveau de la cuisse, puis resserré du genou à la cheville – comme le sarouel – d'abord apprécié en Inde, pour être ensuite porté par tous les cavaliers de la planète, et qui est devenu aujourd'hui le pantalon officiel des compétitions hippique.

Le Sarouel dans l’Empire de Siam

Glissant sur le Golfe du Bengale, le sarouel accoste les rives du sud-est asiatique, de l’Océan Indien jusqu'à la mer de Chine, faisant évoluer les tendances vestimentaires localesc.

Sarouel Thailandais

Les premiers habitants de la péninsule indochinoise à adopter le sarouel, furent les marins et les pêcheurs qui cabotaient le long des côtes nord de la Birmanie, en contact rapproché avec leurs voisins du Bangladesh. De port en port, cette nouvelle mode s’essaima sur l’ensemble du pourtour maritime de l’Empire de Siam et de ses voisins.

Comme le papier buvard absorbe et diffuse la goutte d’encre, le sarouel trouva ici un terrain de prédilection pour s’épanouir. Il s’étendit à l’intérieur des terres, d’abord auprès des cultivateurs qui avaient besoin d’un pantalon court lorsqu’ils travaillaient dans les rizières, ensuite auprès des cornaques afin de ne point être gênés dans leurs mouvements lorsqu’ils montaient sur les épaules de leur éléphant, pour enfin toucher le cœur de la haute société, les moines et la noblesse.

Le Sarouel au Pays du Lotus Bleu

Le Xe siècle sonne à l’horloge chinoise, que déjà l'Empire du Milieu (autre nom pour désigner la Chine) est replié sur lui-même. Mis à part pour les contrats commerciaux, la Chine d’alors n’a que peu de contacts avec le monde extérieur, ses souverains préférant stabiliser un territoire gigantesque, plutôt que de tenter d’intrépides aventures loin du pouvoir central. C’est pourquoi elle impose ses lois et ses traditions à tous ceux qui osent s'aventurer sur ses terres, redoutant beaucoup plus la menace venant de l’extérieur, que les nombreuses querelles intestines émaillant l’histoire de cet empire déjà plus que millénaire. De là, la construction de la Grande Muraille de Chine commencée mille ans plus tôt, censée protéger des invasions barbares arrivant par ses frontières nord.

C’est ainsi que le sarouel entre (ou revient sur ses terres) par la façade sud de la Mer de Chine. Ici aussi, ce sont les marins qui répandent ce nouveau pantalon, avec la même dynamique de diffusion utilisée chez ses voisins côtiers. D’abord les côtes, puis les terres.

Mais contrairement à ses voisins, le sarouel ne touchera qu’une partie de la population. La mode du peuple chinois de cette époque dépend avant tout de la classe sociale et des besoins liés à son travail.

Les marins, les paysans, les marchands, les artisans, les soldats et certains érudits préfèrent le pantalon bouffant, le sarouel local d’alors, tandis que les hauts fonctionnaires et les représentants de la dynastie des Song du Nord, famille régnante sur toute la Chine au tournant de notre premier millénaire, restent ancrés dans la tradition en portant de longues robes de soie. Les habits des plus pauvres sont en chanvre, de couleur écru ou de couleur noire uniquement. Les hommes, étant alors les seuls à pouvoir porter le pantalon ethnique, l'attachent sur la gauche en signe de porte bonheur.

Le Sarouel chez les Samouraïs

Sarouel Samourai

En traversant le détroit de la Mer du Japon pour prendre pied au cœur même de l'Empire du Soleil Levant, aux environs du XIIe siècle, le sarouel y remporte une victoire décisive. Les Samouraïs « ceux qui servent » sont des guerriers sans pitié qui se battent pour permettre à une famille noble de régner. Ils portent une armure à bandes de cuir ou lames d'acier qui recouvre un pantalon à jambes larges et à taille haute.

Le terme sarouel sera employé un peu plus tard pour désigner ce pantalon à large ceinture, bouffant jusqu'au mollet puis resserré en atteignant les chevilles, fendu sur les côtés. Ce pantalon ethnique était notamment porté par les Musashi, comme le montre l'estampe en bois de Utagawa Kuniyosh.

Le Sarouel Méditerranéen

À la même période de l'an mil, les marins du bassin méditerranéen s'emparent du sarouel et commencent à l'essaimer à travers le monde connu. Pratique pour monter aux cordes, vite sec après la tempête, le sarouel est idéal pour la haute-mer. Légèrement raccourci au dessus des chevilles pour plus de confort, il plaît aux hommes et femmes habitants dans les ports de la méditerranée. Les représentations de la mode des côtes sud de la Mer Méditerranée, des berges du Nil aux portes de l'Atlantique, font état des tenues achetées aux marchands arabes et turcs.

L'Europe s'inspire de l'Orient à bien des niveaux... Les échanges sont fructueux dans tous les domaines jusqu'au XVe siècle.

Le Tour du Monde en Sarouel

Sarouel Renaissace

C'est ainsi que les découvreurs et explorateurs du continent asiatique (mais aussi des continents africain et américain) découvrent le sarouel et ses nombreux atouts. Marco Polo, marchand du XIIIe siècle, en est un des plus illustres. Voyageur de la Route de la Soie, il consacra 24 années de sa vie à l'apprentissage des règles et coutumes de l'Empire du Milieu. Dans son livre des merveilles, il décrit la cour de Gengis Khan en insistant sur le faste des tenues brodées d'or et incrustées de joyaux étincelants, vagues imitations des tenues de cavaliers mongols mais bien taillées et moins confortables.

Avant-gardiste, l'Empereur de Chine a su utiliser les avancées scientifiques des peuples conquis et apporter la modernité aux civilisations les plus reculées. Depuis ce temps, nombre d'explorateurs ont adopté ce que l'on pourrait nommer le grand père du sarouel. La mode orientale, asiatique et indienne inspire les couturiers de l'époque. Les gentilshommes portent alors un pantalon bouffant sur des collants assortis. Les bas nobles et bourgeois s'élargissent en distinguant par leurs coupes et leurs coloris raffinés.

Le Sarouel aux Amériques

Sarouel Nord Americain

Les sociétés coloniales cherchent à se développer en multipliant les échanges avec l'Europe. Ainsi, aux XVe et XVIe siècle, Christophe Colomb, Vasco da Gama puis Magellan empruntent de nouvelles routes et ouvrent la voie aux conquêtes.

Pensant être arrivés aux Indes, les premiers explorateurs mettent pieds dans les Caraïbes, puis en Amérique du Nord. Ici, ils découvrent un continent aux terres sans fin, occupé par un peuple totalement en phase avec son environnement. Le florentin Giovanni de Verrazano est le premier à aborder les côtes de Caroline du Nord et à atteindre ce qui deviendra Manhattan. À cette époque, le costume revêt une importance capitale. Il suffit d'observer quelques portraits des Médicis et de s'intéresser un peu aux mœurs et coutumes de la Renaissance pour s'en apercevoir... Manches et pantalons bouffants vont de pair. Les hommes montrent leur virilité en s'affichant avec des pantalons courts, lâches au niveau de l'entrejambe mais resserrés au niveau du genou, parfois brodés d'or et incrustés de pierres précieuses.

À peu près à la même époque, Jacques Cartier arbore la même tenue mais un peu moins richement ornée pour conquérir le Canada. Les premiers colons d'Amérique du Nord sont accueillis au XVIIe siècle. Leurs tenues sont celles des citoyens anglais. Fraîchement débarqués du Mayflower, ces aventuriers en quête de fortune continuent à s'habiller selon la mode britannique avec une veste à collerette ceinturée et un pantalon large que l'on n'appelle pas encore sarouel mais qui y ressemble fortement.

Le Sarouel et les Peuples du Soleil

Poussant au sud ouest de la Mer des Caraïbes, les navigateurs européens atteignent les côtes du continent sud américain, où le sarouel emportera ce continent à sa cause, avec des personnalisations locales emplies de rires et de soleil. L'Amérique du Sud, l'Amérique Latine et les Caraïbes font rapidement partie de l'histoire du sarouel. Le pantalon, souvent multicolores, reprenant les motifs géométriques de leurs ancêtres Mayas et Incas ou africains, s'arrête à mi-mollets et reste large au niveau de l'entrejambe. On le porte pour son grand confort mais surtout pour l'effet produit lors de certains rituels tribaux spectaculaires...

La mode ethnique imaginée en Amérique du Sud utilise des techniques de tissage et des règles artisanales traditionnelles. D'ailleurs, les motifs utilisés sont facilement reconnaissables : des losanges, des croix, etc. dessinés sur des fonds aux coloris chauds, aux contours ornés de franges et de bijoux fantaisie. Chaque ethnie a ses propres codes. Du style Inca au modèle de la Mer des Caraïbes, le sarouel révèle les us et coutumes de populations à l'histoire prestigieuse.

Sarouel Capoeira

Les acrobates de la capoeira, un mélange de danse et d'art martial, ont eux aussi besoin d'un pantalon ample pour réussir leurs lancés de jambes sans entraver leurs corps souple et élastique. Cette discipline est née dans les plantations brésiliennes du temps où les esclaves cherchaient à exprimer leurs émotions et à se défouler sans montrer qu'ils souhaitaient se rebeller. Toujours acrobatique, le jeu devient combat ludique rythmé par les frappements de main et les tambours. Le sarouel y joue un rôle important : il aide à harmoniser les gestes des bras et des jambes. Il accentue la beauté du mouvement, que ce soit une esquive, un coup de pied, une rasteira (déséquilibre) ou une galopante.

On retrouve cette pratique, symbole de liberté, partout où les esclaves africains étaient maltraités. On la nomme Moring à Madagascar ou Pingue à Haiti. Aujourd'hui encore, on reconnaît l'essence des funambules de la capoeira dans les exhibitions de danses urbaines montrant leurs adéquations parfaites avec les mouvements tout en souplesse du danseur, homme, femme comme enfant. Il est clair qu'elle a inspiré les premiers adeptes de la danse urbaine, du hip hop ou du smurf. D'ailleurs, les puristes préfèrent porter un jogging sarouel en molleton ou en coton pour donner à leur mouvement plus d'amplitude et de volupté. Bien serré aux chevilles, avec ou sans poche, doté d'une taille élastiquée, toujours fluide, il offre l'allure parfaite pour ce type de démonstration artistique.

Le Sarouel Pacifique

Comprenant que les terres qu’ils viennent de découvrir ne sont pas les Indes, et qu’en fin de compte, la terre pourraient bien être ronde, la course vers ces fameuses Indes reprend de plus belle. Le XVIe siècle s'ouvre ainsi sur de nouveaux défis pour les explorateurs européens : Trouver de nouvelles routes en direction de ces fameuses Indes promises. Les boussoles des occidentaux s'affolent, eux qui croyaient que la terre était plate 50 ans plus tôt. Une compétition s'engage alors entre les portugais, qui traversent l’océan Indien après avoir doublé le Cap de Bonne Espérance au sud de l'Afrique, et arrivent dans l'Océan Pacifique par l'Indonésie, tandis que les espagnols abordent ce même océan par le Cap Horn au sud de l'Amérique.

Mais les marins chinois et coréens les ont devancés. Les eaux et les îles du Pacifique Nord leurs sont déjà bien familières, propageant progressivement leurs coutumes et leur façon de s'habiller. Le sarouel est là encore le pantalon idéal pour résister à la chaleur moite des terres océane du sud. Plusieurs royaumes règnent alors en maîtres sur les terres sauvages de l'océan Pacifique, promesses de richesses nouvelles propices aux échanges.

En 1520, Magellan découvre les Philippines pour le compte des espagnols, véritables îles pivots au cœur du Pacifique Nord, point relais de l'ensemble du trafic maritime reliant les Indes aux pays d’Extrême Orient. Le premier territoire à être colonisé est l'Île de Cebu au Nord. Manille est choisie comme capitale, et restera un fief espagnol 300 ans durant. Les cultures se mélangent. Pourtant, l'influence hispanique ne réussit pas à détrôner les traditions ancestrales des tribus primitives austronésiennes Malayo Polynésiennes et des explorateurs venus d'Asie avant eux, notamment de Corée. Le pantalon ethnique, inspiré du hanbok, est coloré, riche en imprimés variés, ou tout uni mais réalisé dans une matière soyeuse et brillante. Le costume traditionnel met en lumière celui qui le porte.

Marelle

Le Pacifique Sud n'est exploré qu'à partir de la fin du XVIe siècle. Le hollandais Jacob Roggeveen est le premier à accoster sur l’Île de Pâques, peuplée des mystérieuses statues Moaï dont les grands yeux vides tournés vers le large sont comme figées dans l’attente d’un avenir incertain. Sautant d’île en île sur cette immensité d’eau, comme l’on saute à cloche-pied sur une marelle de cour d’école, en poussant vaille que vaille son insignifiant petit caillou, avec pour seul espoir celui d’arriver au ciel, les vaillants navigateurs découvrir alors l'Australie, terre australe et magistrale, où aborigènes et kangourous voisinent en harmonie.

Cette île continent surprend, intrigue. Le son du didgeridoo, la chasse au boomerang, ses animaux étranges, les peintures sur les visages effraient alors les nombreux occidentaux. On impose donc une façon de s'habiller et de vivre dite civilisée au détriment de croyances millénaires appelées Temps du Rêve. Les indigènes, locataires des lieux depuis fort longtemps, sont forcés sur le champs de changer leur mode de vie et de porter des habits, aux coupes normalisées, pour pouvoir être acceptés, des nouveaux arrivants…

Le ciel des uns, est parfois l’enfer des autres. Comme à la marelle, où l’immensité du ciel renferme une part d’enfer, où il ne faut pas tomber, mais plutôt de tout faire, pour y parquer ses adversaires, si la partie l’on veut gagner.

Le ciel des uns, est parfois l’enfer des autres. Comme à la marelle, où l’immensité du ciel renferme une part d’enfer, où il ne faut pas tomber, mais plutôt de tout faire, pour y parquer ses adversaires, si la partie l’on veut gagner.

Le Sarouel au Cercle Polaire

Toujours en quête de nouveaux territoires, les occidentaux continuent leur route en direction des terres les plus reculées, aux portes du Pôle Nord, courant du XVIIIe siècle. Leur course se poursuit jusqu'en Alaska, au Groenland, en Islande, en Sibérie du Nord, aux confins du cercle polaire. Les tenues doivent s'adapter à son climat extrême. Sur ces terres inhospitalières, les températures records relevées aux abords du cercle arctique y atteignent parfois les -70°C.

On s'inspire des vêtements inuits en fourrure et en peau, aussi esthétiques que chauds et confortables. Le sarouel inuit est bien pensé pour les régions froides mais surtout pour la haute-montagne. Nombre de matières synthétiques sont calquées sur la fourrure des animaux du pôle nord. Pour préserver le confort, on alterne peaux et couches d'air pour obtenir plusieurs épaisseurs, la fourrure de la couche supérieure étant toujours tournée sur le côté extérieur.

Le Sarouel Planétaire

L’aube du XIXe siècle marque l’envolée vers les sommets du sarouel : Devançant la robe (encore inconnue dans les territoires du Grand Nord) la chemise à boutons (non portée en extrême orient) et le blue jeans (qui sera inventé 50 ans plus tard), le sarouel devient le premier vêtement moderne véritablement universel, connu et porté sur tous les continents.

Le sarouel devient le premier vêtement moderne véritablement universel, connu et porté sur tous les continents.

Sarouel Algerien

D’ailleurs, une nette avancée du sarouel dans le monde occidental est à noter durant ce siècle. La mode commence à s'approprier certains codes ethniques importés par les zouaves d'Afrique. Ce pantalon est directement emprunté à la mode d’Afrique du Nord, où, aujourd'hui encore, les berbères, les algériens, les Rifains et les Chaouis se plaisent à évoluer dans leurs costumes à la coupe héritée de leurs ancêtres, issus du folklore et des coutumes. Quel émerveillement lors des Fantasias, des mouvements culturels Amazigh, des démonstrations équestres...

Les pantalons d'origine algérienne amples et confortables s'arrêtent alors au mollet ou même au genou comme le montre la statue en bronze réalisée par Armand Jules Le Véel en 1856. Le costume typique associe un turban roulé autour de la chéchia, une veste boléro et un sarouel sans démarcation à l'entrejambe, avec le fameux "trou de Lamoricière", entendez par là un trou permettant de laisser s'écouler l'eau lors du passage à gué d'une rivière. Plus pratique, la séparation au niveau de l'entrejambe apparaît quelques années plus tard. Une large ceinture permet de relier la veste et le pantalon pour protéger du froid. Il faudra attendre le milieu du XIXe siècle pour que l'élégance du costume composé d'un sarouel et d'un gilet attire les occidentaux ou plus précisément les femmes occidentales : la finesse des tenues orientales sera dès cet instant reconnue sous toutes les latitudes du globe.

Le Sarouel au XXe Siècle

Sarouel Fokine

À l'orée du XXe siècle, ce fut d’abord le couturier Paul Poiret qui présenta le premier le sarouel lors d'un défilé de mode parisien en 1911. Intemporel, le sarouel a depuis lors inspiré un grand nombre de créateurs, de couturiers chics ou excentriques. Les modèles colorés, aux motifs orientaux élaborés, connaissent dès cet événement un essor surprenant au sein de la bonne société. Il faudra cependant attendre encore un peu pour qu'ils soient acceptés par l'ensemble de la population française… En ce début de XXe siècle, l'occident s'approprie ses formes bien particulières et l'adapte à sa culture. En pleine période Art Déco, le concept séduit les artistes, acteurs, danseurs, musiciens, etc. L'amplitude des mouvements est mise en valeur. La beauté des gestes est amplifiée, comme le montre le couple de danseurs étoiles Michel Fokine et son épouse Vera Fokina habillés en sarouels répétant le ballet de Tchaïkovski « Shéhérazade » lors d’une séance photos réalisée en 1914 pour illustrer un article du magazine people de l'époque : Life.

À la même époque, certains personnages emblématiques tout droits sortis des Contes des Mille et une Nuits, donnent aussi envie aux couturiers de revisiter le pantalon ethnique pour l'adapter aux tendances féminines en pleine révolution...

Magistralement interprété au cinéma par Peter O'Toole quelques décennies plus tard, Thomas Edward Lawrence, plus connu sous le nom de Lawrence d'Arabie, est le plus parfait représentant de la mode arabe de cette époque. Agent de liaison en plein désert, respecté par les hauts dignitaires, il vit selon les coutumes du moyen-orient à l'image du prince Fayçal, futur roi d'Arabie Saoudite.

Sarouel Paul Poiret

Acteur incontournable de la révolte arabe, héros de l'ombre au service de la grandeur occidentale, il a su faire plier à ses exigences les décideurs les plus féroces. Immortalisé dans sa tenue préférée, celle qu'il porte dans le désert ou sur sa moto, il continue à vivre à travers son œuvre : Les Sept Piliers de la Sagesse. Le costume traditionnel du bédouin du désert, du nomade d'Égypte se compose simplement d'un pantalon blanc large serré à la cheville – un sarouel du désert fen fait – recouvert par un long manteau très léger.

Lors des Années Folles, décennie d’insouciances comprise entre la fin de la Première Guerre Mondiale – celle qui devait être la « Der des Ders » – et le krach boursier de 1929 qui enfanta de la Grande Dépression des années 30 – ce couple là qui devait être lui aussi le « Dernier des Derniers » – le sarouel devient un symbole de savoir-vivre et de bon goût.

Les contemporains le voient sous un jour nouveau. Lumineux, fluides et envoûtants, les pantalons ethniques jusque là portés par des hommes sont adoptés par les jeunes femmes qui rêvent de s'affirmer et de montrer leur caractère rebelle. Contre-coup de la Grande Boucherie qui avait saignée, éborgnée, estropiée tant de jeunes hommes tombés à la fleur de l’âge, la mode féminine « à la garçonne » rétablissait à sa façon l’équilibre homme / femme. Le sarouel fut l’un des acteurs de cette période de reconstruction.

Vint ensuite la jeunesse Zazou des années 1940 avec ses tenues "tapageuses" – pour l’époque ! – dont le pantalon de golfe fait aujourd’hui furieusement penser à un sarouel !

Mais il faut attendre la génération suivante des années 1950, avec Yves Saint Laurent et sa collection "scandale", pour voir le vêtement totalement réinventé. Il devient un objet glamour, provoquant, dessiné pour faire penser aux pantalons sensuels des harems. Sur la même lancée, Marc Jacobs, Givenchy, Hermès lui donnent une identité fashion en l'ornant de paillettes et de strass, en l'élargissant à l'extrême et en l'harmonisant avec des hauts très près du corps, des vestons bien ajustés, des pièces en cuir, des tops vintage et une multitude d'accessoires précieux ou riches en fantaisie.

Sarouel Nordique

Le concept ethnique n'est retrouvé que dans les années 1960 avec le mouvement hippie. Le sarouel se porte alors ample. L’entrejambe est très basse puisqu'elle arrive aux chevilles. La génération hippie en a fait l’emblème de sa lutte pacifique et de sa culture en désaccord total avec la société de consommation de l'époque. Le sarouel représente la liberté de penser et d'agir selon ses convictions sans suivre les dictâtes tant politiques que sociaux.

Le mouvement hippie a permis une avancée certaine de la façon de penser. Il nous laisse un héritage culturel influencé par les traditions orientales et indiennes. Mode d'expression reflétant la personnalité, le sarouel, brodé de fleurs, psychédélique ou non, est encore aujourd'hui un moyen de montrer son originalité, sa décontraction et son savoir-vivre. Le style baba cool né dans les années 1960's reste ancré dans toutes les mémoires et ne cesse de surprendre. Il a d'ailleurs progressivement donné naissance au New Age et à ces vêtements rétro, à ces ensembles très larges composés d'une tunique et d'un pantalon ethnique...

Ce n'est réellement que dans les années 1990's que les mœurs vont se libérer : les couturiers profilent alors de nouvelles silhouettes plus dynamiques, plus sûres d'elles. Dior recrée le vintage avec extravagance. Jean-Paul Gaultier, Balmain jouent sur le chic et le minimaliste. Le sarouel dévoile la cheville et se porte avec des sandales et des nu-pieds.

C’est cette même décennie, que les motards puis les sportifs se sont appropriés le look ethnique. Les idées ont évolué. Les esprits se sont laissés porter par des envies venues d'ailleurs. La fin du XXe siècle est comme une consécration pour le sarouel qui poursuit son ascension dans les grandes capitales mondiales.

Le Sarouel vers les Sommets

Les années 2000 accélèrent l’envolée du sarouel en France. D’ailleurs, l’arrivée massive d’Internet dans les foyers français au cours de la première décennie du second millénaire confirme cet poussée de la demande française pour le sarouel. Tout un chacun peut aller « voir » l’autre, s’en faire un ami sans jamais avoir mis les pieds sur son continent, ceci, immédiatement, en « direct live ». Les échanges commerciaux font place aux échanges humain. Un inconnu devient ami en un clique de souris.

Cette nouvelle forme de partage est à mettre en parallèle avec l’éclosion d’une foultitude d’évolutions sociétale. En effet, ce nouveau millénaire voit la percée des teufeurs, fans de musique techno, la confirmation des raggamuffins, musique reggae, la multiplications des musiques du monde disponibles depuis tout appareil connecté à Internet, les « Bourgeois Bohème » que l’on croise sur les premiers Vél’Lib, les mouvements post-salon Marjolaine qui deviendront bientôt les zadistes, la renaissance des danses de rues, l’expansion de nouvelles pratiques sportives, la redécouverte par les héritiers des peuples premiers de la mode de leurs ancêtres, l’ouverture du regard sur la planète, de ses myriades de coutumes et modes vestimentaires, font que toutes ces communautés de personnes se réunissent autour d’un élément fédérateur : Le sarouel, marque indissociable d’une société en pleine mutation.

La Grande Asie est le berceau du sarouel. L'occident est sa terre d’avenir.

Mais, c'est à la Fashion Week de Paris en octobre 2015 que l'on se rend vraiment compte de l'impact du sarouel sur la mode et les tendances du XXIe siècle. Le style sportif hippie, bohème à souhait, invite à associer tenues et accessoires aux coloris précieux. Les survêtements amples à l'entrejambe surdimensionnée déboulent sur les podiums et donnent une autre vision du chic décontracté. Les créateurs conçoivent les tenues en fonction de la coupe distinctive du pantalon antique apparu il y a des siècles de l'autre côté du globe.

Raffiné, pour l'été ou l'hiver, pour la journée ou la soirée, branché, luxueux, urbain ou basique, le sarouel a évolué avec les cultures sans perdre son identité et ses valeurs. Aujourd'hui, il étonne, modernise, souligne la personnalité des hommes et des femmes, rend craquante une tenue pour garçon ou fille…

Sarouel pour Femme

Bien qu'il réponde à des codes mode très précis, le sarouel a toujours su s'adapter à son époque. Fait de soie et d'étoffes précieuses pour plaire dans les plus beaux palais orientaux, il est taillé dans du coton épais pour protéger les cavaliers mongols et les habitants des hauts plateaux himalayens. Symbole de richesse pour les uns, il est un vêtement de travail pour les autres, pratique et vite enfilé...

L'histoire du sarouel se déroule donc sur près de deux milles ans. Dix-huit siècles exactement après sa création, ce pantalon à l'apparence singulière a toujours su garder son originalité particulière. Depuis sa consécration dans les chauds sables des déserts arabiques, les créateurs l’on constamment mis à la sauce de toutes les modes locales, quel que soit le continent, le peuple, ou le rang dans la société de son propriétaire, les couturiers savent pertinemment qu'il plaira à tous, jeunes et anciens. Rares sont les pièces vestimentaires qui ont su traverser les siècles en restant aussi authentiques.

Aujourd’hui, le sarouel habille hommes, femmes et enfants en définissant un certain nombre de styles et en respectant un code bien défini. L'entrejambe est toujours très basse. Le haut du pantalon est ample. Il se resserre au niveau du mollet ou de la cheville. Le sarouel court est une référence pour l'été. La jupe sarouel, quant à elle, allie élégance de la coupe et confort absolu pour les soirées. Le look ethnique est accentué par les motifs : graphiques et géométriques à la façon indienne ou plus sobres à la façon africaine.

Spécifique, le jogging sarouel est le pantalon de détente par excellence. Il ne gêne pas les mouvements même très amples et reste bien en place avec sa taille et ses chevilles élastiquées. On le porte pour toutes les activités et même pour la ville. Chic et décontracté, il correspond parfaitement aux envies des jeunes du XXIe siècle. Son plus : sa créativité sans limite.

Le sarouel est un des seuls pantalons sur terre à pouvoir être taillé dans toutes les matières sans être dénaturé. Léger en soie ou en coton, chaud en velours, il séduit en toutes saisons. Il est aussi intemporel qu'universel. Il peut aussi bien être porté par une femme enceinte qu'un sportif professionnel, tous deux deux en quête de bien-être.

Plus que tout, il nous rappelle notre histoire : l'arrivée des zouaves, des zazous, des hippies, des teufeurs, des zadistes... et l'histoire du monde : la lente procession des marchands arpentant les pistes sinueuses de la Route de la Soie, les caravanes de méharistes traversant l’immensité du Sahara d’oasis en oasis, les peuples colorés des vallées du Gange et de l’Indus, les Sherpas népalais se déplaçant de vallée en vallées à la recherche de l’herbe verte pour leurs troupeaux, les danseurs de capoeira sur la plage de Copacabana, tandis que lentement le soleil monte par dessus les bras ouverts du Christ Rédempteur de Rio de Janeiro...

Derrière chaque sarouel se trouve une histoire humaine, nous ramenant finalement à notre propre histoire : L’Histoire de l’Humanité.

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